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- Expérience de l’aumônerie bouddhiste en milieu carcéral en France
Introduction
L’Union Bouddhiste
de France a pour vocation de fédérer les associations bouddhistes, et
de les représenter au sein de la société civile et plus particulièrement
auprès des pouvoirs publics. Elle met en place des actions d’ordre général
et collectif telles les aumôneries.
Référente des ministères
et administrations concernés, l’UBF a pour mission de:
-
définir avec les autorités
concernées et les personnes expérimentées les caractéristiques essentielles
des personnes pouvant exercer ces activités
-
solliciter les centres,
pagodes, congrégations ou monastères afin qu’ils présentent des candidats
dont ils peuvent garantir la formation spirituelle et assurer soutien et
conseils tout au long de leur exercice en tant qu’aumôniers
-
valider ou non les candidatures
-
présenter les candidatures
agréées par elle à l’autorité afférente
-
proposer aux aumôniers
une formation portant notamment sur le sens d’une présence bouddhiste,
la législation et les règles de déontologie.
-
assurer le suivi des aumôniers
et leur fournir un soutien, au travers de groupes d’écoute et de parole,
etc.
-
veiller à ce que les
aumôniers respectent la législation française et les règles du secteur
et qu’ils participent régulièrement aux formations et groupes de parole.
Historique
Entre 1992 et 1998,
trois aumôniers bouddhistes avaient pu apporter un soutien aux détenus
de plusieurs prisons de France mais n’avaient pas eu de successeur jusqu’en
août 2012, où un nouvel aumônier bouddhiste a été agréé pour les
établissements de Fresnes et Fleury-Mérogis.Le projet a été relancé
en 2010 par l’UBF avec le concours de Monsieur Gaume, chef du Bureau
des cultes, et mené à bien par deux coordinateurs : Blandine Boulenger
et Éric Rommeluère (qui se consacre depuis un an à la justice restaurative),
en lien avec le Bureau de l’UBF.
En mai 2015, l’aumônerie
bouddhiste compte dix aumôniers, huit hommes et deux femmes, qui couvrent
22 établissements sur les 191 lieux de détention de France " accueillant
" 77 800 personnes sous écrou dont 95 % d’hommes. L’aumônier national,
Lama Droupgyu, nommée en janvier 2014, a accès à tous les établissements
du territoire, et le premier aumônier régional, agréé en mai 2015,
a accès aux 24 établissements de sa région. Plusieurs candidats sont
en cours d’agrément et il est prévu que des auxiliaires d’aumônerie
et des accompagnants occasionnels viennent ultérieurement renforcer les
équipes.
Création
et fonctionnement d’une aumônerie
Tous cultes confondus,
les aumôneries sont ouvertes dans les établissements pénitentiaires
suite à des demandes de détenus. À son arrivée, un livret est
communiqué au détenu dans lequel sont mentionnés les noms des aumôniers.
En théorie, l’aumônier a aussi la possibilité de venir se présenter
lorsque le détenu arrive au quartier des arrivants. Le détenu sollicite
généralement la venue d’un aumônier par courrier, au travers d’une
boîte à lettres dévolue. L’ensemble des courriers entre le détenu
et l’aumônier est couvert par le secret et ne sont pas a priori ni ouvertes
ni censurées par l’administration.
Rôle
de l’aumônier
L’exercice des aumôneries
est régi par le Code de procédure pénale. L’article R. 57-9-4 définit
les fonctions des aumôniers : " Les offices religieux, les réunions
cultuelles et l’assistance spirituelle aux personnes détenues sont assurés,
pour les différents cultes, par des aumôniers agréés. " L’article
D. 249-3 dispose que " Les aumôniers et les auxiliaires bénévoles
d’aumônerie ne doivent exercer auprès des détenus qu’un rôle spirituel
et moral. "
Les aumôneries des
sept cultes présents en prison proposent :
- La célébration
d’offices religieux
- Des réunions cultuelles
comme des lectures de textes sacrés, des méditations, des prières, des
chants, la célébration de fêtes religieuses ;
- L’assistance spirituelle,
autrement dit la visite des détenus que tous les aumôniers considèrent
comme le cœur de leur ministère.
La célébration des
offices religieux et les réunions ont lieu dans une " salle polycultuelle
" neutre. Les lieux, horaires et jours de visite sont définis en accord
avec le chef d’établissement et impliquent de dresser préalablement
la liste des participants éventuels aux réunions, car certains détenus
ne doivent pas communiquer ensemble.
Les entretiens avec
les détenus ne devraient pas être entendus par un tiers. Dans la pratique,
ils se déroulent le plus souvent dans les cellules elles-mêmes et donc
en compagnie des co-détenus. S’il l’estime indispensable, l’aumônier
peut emmener le détenu dans une pièce réservée, mais l’accès n’est
pas toujours aisé. La surveillance à vue peut être maintenue, par exemple
dans les parloirs.
L’aumônier dispose
d’une grande autonomie de mouvement au sein de l’établissement. Il
circule seul dans les couloirs et les étages hors de tout regard des surveillants
et dans certains établissements, il dispose parfois des clés des cellules.
Il est en principe doté d’une alarme électronique.
Obligations
de l’aumônier
L’aumônier est soumis
à des obligations et des règles déontologiques. Il doit se conformer
aux lois, décrets, règlements généraux et particuliers concernant toute
personne qui accède en prison, au règlement intérieur de la prison,
aux règles de déontologie propre à son culte.
Plusieurs aumôniers
ont fait l’objet de sanctions graves allant jusqu’à la suspension
définitive de leur agrément, voire de poursuites judiciaires, à la suite
de remises illicites d’objets, de lettres ou de messages. Toute introduction
ou sortie d’objet non autorisé est strictement interdite.
Comment
devenir aumônier
Le profil idéal d’un
aumônier est un pratiquant aguerri, conscient de représenter le culte
bouddhiste dans les lieux de privation de liberté, muni de l'autorisation
et le soutien de son guide spirituel. Il est prêt à s’engager sur la
durée, à mobiliser du temps chaque semaine avec une certaine souplesse.
Il a développé une capacité d’écoute certaine, une aptitude à accueillir
le stress, la violence. Il doit aussi prendre connaissance des règles
de l’administration pénitentiaire et s’y soumettre.
La procédure consiste
à prendre contact avec le secrétariat de l'aumônerie afin de recevoir
la liste des documents à fournir. Après l'étude du dossier, des entretiens
oraux permettent de confirmer les candidatures à partir de critères tels
que la connaissance du Dharma, l’expérience et la compétence dans les
relations humaines.
En résumé, les conditions
pour devenir aumônier sont les suivantes :
- Être âgé(e) de
18 à 75 ans.
- Être de nationalité
française ou être titulaire d’une carte de séjour pour les étrangers
résidant en France.
- Casier judiciaire
vierge.
- Parler couramment
français.
- Il n’est pas nécessaire
d’être un religieux.
- Être soutenu par
son guide spirituel
- Etre disposé à
se soumettre aux règles de l'administration pénitentiaire
- Avoir une capacité
d'écoute
- Avoir une aptitude
à accueillir le stress et la violence.
Formation
des aumôniers
a) Depuis 2007, l’Administration
Pénitentiaire a mis en place un module de deux jours non consécutifs
(en semaine) de formation destiné aux aumôniers nouvellement nommés
dans chaque direction interrégionale afin de leur permettre :
- De connaître les
missions de l’Administration Pénitentiaire ;
- D’identifier les
différentes catégories d’établissements pénitentiaires et d’en
comprendre l’organisation générale et les principales règles en matière
de sécurité ;
- De repérer les rôles
et les fonctions des différents agents au sein d’un établissement ;
- D’appréhender
les spécificités des publics pris en charge ;
- De connaître le
dispositif d’exercice des cultes en milieu pénitentiaire.
Suite aux tragiques
événements de janvier 2015, l’administration envisage de d’ici deux
ans rendre un DU sur la laïcité obligatoire pour les aumôniers de prisons,
et recommandé pour les aumôniers hospitaliers.
b) Chaque culte présent
en prison s’engage à proposer à ses aumôniers une formation et un
suivi, au travers de rencontres, groupes de parole, etc. De leur côté,
les aumôniers s’engagent à participer aux journées de formation et
de rencontre.
A ses débuts, l’aumônerie
bouddhiste a bénéficié du soutien des autres aumôneries, notamment
de l’aumônerie protestante.
Un premier cycle, en
juin 2013, a accueilli huit stagiaires pour le milieu carcéral, dont les
trois premiers aumôniers agréés, et dix-sept stagiaires pour le milieu
hospitalier. L’accent a été mis sur l’éthique et le cadre juridique.
Parmi les intervenants, citons le Pasteur Jacques Gradt, auteur de " L’expérience
d’aumônier de prison ", Elsa Dujourdy, juriste à l’Observatoire international
des prisons, ou encore Blandine Boulenger, qui a décrit " les effets psychiques
de l’incarcération ".
Le deuxième cycle
s’est tenu début octobre 2014 avec 18 personnes pour le milieu carcéral
(dont six aumôniers en poste) et dix-sept pour le milieu hospitalier,
social et médico-social (dont deux aumôniers en poste). Le programme
a comporté notamment des exposés sur les principes des différents systèmes
bouddhistes et une séance interactive sur l’éthique, la morale et la
déontologie.
Le troisième cycle
est programmé les 3 et 4 octobre 2015 sur le thème : " Comment écouter
et accueillir la souffrance de l’autre ? "
Financement
L’article 2 de la
loi du 9 décembre 1905 relative à la séparation des Églises et de l’État
dispose, dans son alinéa premier, que " la République ne reconnaît,
ne salarie ni ne subventionne aucun culte " mais prévoit, dans
son second alinéa, que " pourront toutefois être inscrites aux dits
budgets les dépenses relatives à des services d’aumônerie et destinées
à assurer le libre exercice des cultes dans les établissements publics
tels que lycées, collèges, écoles, hospices, asiles et prisons. "
L’Administration
Pénitentiaire alloue un budget annuel sous forme de vacations. Ce budget
est loin d’être suffisant. Au 1er janvier 2011, seuls 397
aumôniers étaient indemnisés sur 1 083 aumôniers en exercice (1 300
en 2014). Il s’agit d’un défraiement, et non d’une rémunération.
Il n’ouvre pas droit au chômage mais il entre dans le revenu imposable…
Les trois premières
années, faute de budget public, tout a été à la charge de l’Union
Bouddhiste de France. Début 2015, l'administration a octroyé une petite
allocation à l'aumônerie bouddhiste des prisons, correspondant à un
seul poste d’aumônier. Cela couvrira en partie les frais d'organisation
des formations et de déplacements des aumôniers, mais les dons restent
les bienvenus…
Besoins
Des objets peuvent
être introduits dans l’établissement pénitencier pour le seul exercice
du culte avec l’accord préalable du chef d’établissement :
-
livres du Dharma dans
toutes les langues, notamment d’Asie
NB : Seuls
les livres à couvertures souples sont permis!
-
objets de culte: petites
statues (pleines) ou images du Bouddha; petits malas (rosaires); coussins
de méditation; autres
L’aumônerie bouddhiste
des prisons, qui est en phase d’organisation, revêt une grande importance
en ces temps troublés, pour véhiculer les valeurs du Dharma que sont
la compassion et la sagesse.
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(*) Présidente de
l’UBF de Mai 2012 à Mars 2015
Contact : Aumônerie
nationale des prisons pour le culte bouddhiste
<aumonerie.carcerale@bouddhisme-france.org>
Tél. 06.65.20.93.41
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